22 Octobre 2024
À Paris à la fin des années 1920, le spectacle et l’extraordinaire sont à l’honneur : entre les corps frénétiques de la Revue Nègre et les corps hachés menus du Grand-Guignol, ceux des fakirs, qui se multiplient, misent sur l’érotisme d’une enveloppe invincible et incorruptible. Dans les salles de music-hall, envahies de vapeurs d’encens et d’éther, les uns s’enterrent vivants tandis que les autres se percent les joues ou s’allongent sur des sabres. La foule accourt pour assister à ces scènes de douleur. À travers la figure quasi légendaire de Tahra Bey, « homme aux yeux étranges » à la source du Ragdalam de Hergé, c’est tout un pan oublié de l’histoire des spectacles, de la starification et de l’occultisme qui se donne à voir : ce « fakir-docteur », excellent publiciste, se fait le prosélyte d’une nouvelle pseudo-science et singe bien volontiers la Passion du Christ. C’est sans compter sur un irréductible cercle anti-fakir, mené par Paul Heuzé, qui se lance dans une guerre sans merci contre l’obscurantisme. Abus de la crédulité publique, escroqueries et fausses sciences marquent le parcours de ces nouveaux fakirs, qui n’ont rien à envier à nos gourous contemporains. — Fleur Hopkins-Loféron est historienne des arts, spécialiste des imaginaires scientifiques. Elle a publié Voir l’invisible. Histoire visuelle du mouvement merveilleux-scientifique (1909-1930) (Champ Vallon, 2023), qui a remporté le Grand Prix Jules Verne, et Mercredi Addams. Icône gothique (Impressions Nouvelles, 2023).