Déshabiller le regard. Nudités académiques et nudités critiques dans la création contemporaine

Journée d’études pluridisciplinaire consacrée aux formes contemporaines de la nudité scénique, intitulée « Déshabiller le regard. Nudités académiques et nudités critiques dans la création contemporaine ». 

au Quartz - Scène nationale de Brest (salle de répétition) de 9h15 à 17h

Deux volets :

• années soixante-dix et à ses héritages
• création contemporaine

Intégré en 2008 à son recueil Miniatures théoriques, l’essai de Georges Banu « Le nu, les avatars d’une révolte » relisait l’histoire de la dénudation du corps en scène au cours du XX^e siècle en tant que geste libérateur adressé à l’encontre des conventions morales et esthétiques dominantes. La dénudation émergerait d’abord au sein de la danse d’expression du début du siècle dernier pour conquérir progressivement l’ensemble des arts du spectacle et s’imposer comme un geste esthétique majeur des scènes des libérations sexuelles, au-devant desquelles s’impose l’image du Living Theatre. Examinant les théâtralités de l’après mai 68, l’historien évoquait par la suite une diversification des usages du nu scénique, mis au service aussi bien d’une esthétique du corps quotidien que d’une représentation de la condition humaine sujette à un désastre historique.

Une quinzaine d’années plus tard, la permanence du choix de la dénudation dans les esthétiques contemporaines ainsi qu’un renouvellement pléthorique des approches théoriques de cette pratique imposent de discuter à nouveaux frais l’hypothèse d’une « révolte qui échoue dans la normalité » (Banu, 2008). De l’appel de l’ethnoscénologue Pierre Philippe Meden à concevoir une « éroscénologie générale » (Philippe-Meden, 2021) à la réévaluation des approches historiques et critiques de la nudité menées dans les revue Registres ou la Revue Française d’Histoire américaine (Letessier et Moreira da Silva, 2021 ; Jouve et Lemoine, 2022), du regard renouvelé sur les philosophies des naturismes contemporaines par Bernard Andrieu (Andrieu, 2023) au retournement du point de vue sur le nu proposé par la thèse de Chloé Lavalette abordant la dénudation depuis la place du spectateur (Lavalette, 2023), en passant par le développement des porn-studies dans le champ francophone (Vörös, 2015), les approches de la nudité se diversifient considérablement, au même rythme que les pratiques elles-mêmes. Les œuvres les plus emblématiques des nudités de l’après 68 ont elles-mêmes fait l’objet d’un fort regain d’intérêt, ainsi qu’en attestent – entre autres – de récents travaux sur les corps nus chez Pier Paolo Pasolini (Rabat, 2022), le Living Theatre (Jouve, 2022) ou encore Hermann Nitsch (Maselli, 2023), ainsi que leurs multiples reprises sous formes de citations ou de dialogues explicites dans des œuvres contemporaines.

Profitant de la programmation par le Quartz et le Mac Orlan cette saison de (La Bande à) Laura de Gaëlle Bourges, chorégraphe dont une part majeure du travail consiste à retravailler scéniquement les nus classiques de l’histoire de l’art, cette journée d’études prolongera les travaux récents consacrés à la nudité scénique en questionnant les relations plurielles des scènes contemporaines aux nudités académiques voire à l’académisation du nu. Volontairement transdisciplinaire (cinéma, musique, danse, théâtre, performance, histoire des représentations…), cette journée d’études interrogera spécifiquement la question des regards posés sur le nu, partant notamment du constat de fréquents retournement de points de vue par des artistes contemporains qui adoptent le regard du modèle. Elle se construira, en outre, en deux volets : un premier consacré aux filiations historiques qui lient les pratiques contemporaines de la nudité scénique aux mouvements de libération sexuelle ; un second qui se focalisera plus spécifiquement sur l’inversion contemporaine des points de vue sur le nu. Elle se conclura par un temps de rencontre avec Gaëlle Bourges.

Par les échos qu’elle proposera avec la saison culturelle brestoise et régionale, ainsi que par son inscription dans le prolongement de cours dispensés à l’Université de Bretagne Occidentale au sein de la licence Arts, cette journée d’études s’adressera non seulement à un public étudiant mais également au grand public désireux de s’interroger sur certaines spécificités de la création contemporaine.

Bibliographie

G. Banu, « Le nu. Les avatars d’une révolte », dans Miniatures théoriques, Actes Sud, Arles, 2008, p. 43-56

R. Huesca, La Danse des orifices. Étude sur la nudité, Nouvelles Éditions Jean Michel Place, Paris, 2015

É. Jouve et X. Lemoine, « Undoing Naked Truths: Nudity on Stage [dossier] », dans Revue d’études américaines n°171, [En ligne], 2022

É. Jouve, Paradise Now en paradis. Une histoire du Living Theatre à Avignon et après (1968/2018), Classiques Garnier, Paris, 2022

C. Lavalette, Regarder des corps nus. Perspectives pour l’analyse de la nudité sur les scènes théâtrales et chorégraphiques contemporaines, Thèse de doctorat en Arts du spectacle sous la direction de Christophe Bident, Université Paris Sciences et Lettres, 2022

P. Letessier et A. Moreira da Silva, « La nudité dans les arts de la scène : approches historiques et critiques [dossier] », dans Registres n°23, Presses Sorbonne Nouvelle, Paris, 2022

B. Maselli, Le théâtre actionniste d’Hermann Nitsch. Rite sacré et ôde à la vie, EME Editions, Louvain-la-Neuve, 2023

P. Philippe-Meden (éd.), Érotisme et sexualité dans les arts du spectacle, L’Entretemps, Lavérune, 2015

P. Philippe-Meden et P. Liotard, « Le nu en scène [dossier] », dans Corps n°19, [En ligne], 2021

J. Rabat, Pasolini, corps vu – corps nu, Éditions de la variation, Paris, 2022

F. Vörös (éd.), Cultures pornographiques. Anthologie des porn studies, Amsterdam, Paris, 2015

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Déshabiller le regard

Entrée libre

https://www.univ-brest.fr/hcti/fr/actualite/deshabiller-le-regard