7 Mars 2016
FUJITA Rokurôbyôe
Trésor National Vivant du Japon, maître de flûte de Nô
Il donnera deux conférences-démonstrations de son art :
A l’Université Paris 8, Amphi 4, le mardi 8 mars 2016, de 13h30 à 15h.
Et à ARTA, Cartoucherie, le mercredi 9 mars 2016, de 20h30 à 22h.
Dans le cadre de la « Mission d’échanges de l’Agence Japonaise à la Culture pour l’année 2016 », avec le concours de Dominique Palmé, interprète-traductrice, FUJITA Rokurôbyôe initiera à la musique de nô – et fera valoir notamment la place qu’y occupe la flûte.
Le nô est une forme de théâtre masqué qui existe au Japon depuis 650 ans, et inclut des parties de danse («mai ») et de chant (« uta »), soutenues selon les pièces du répertoire par un orchestre (« hayashi ») de trois ou de quatre instruments : divers types de tambours, et une flûte (« nôkan »).
À l’heure actuelle, il existe au Japon trois grandes écoles de flûte de nô, au style légèrement différent, et qui comptent une vingtaine d’interprètes au total. L’école Fujita (« Fujita-ryu ») transmet son art depuis le tout début du XVII° siècle, au fil d’une lignée ininterrompue de onze générations.
Né en 1953, FUJITA Rokurôbyôe a donc hérité du nom de ses ancêtres : FUJITA Rokurôbyôe XI est désormais, depuis 1980, le chef de cette école. Il a eu l’honneur, en 2001, d’être nommé « Trésor National Vivant ».
Formé dès le plus jeune âge par son père, Rokurôbyôe X, il a fait ses débuts sur scène de façon très précoce, puisqu’il n’avait que cinq ans à l’époque. Mais ce qui le distingue des autres joueurs de flûte de nô, c’est qu’il a également étudié les techniques vocales, tel l’opéra occidental.
Les concerts de flûte de nô jouent un grand rôle dans la tradition culturelle japonaise, car cet instrument est utilisé de façon rituelle pour adresser des prières aux divinités du « shintô » (l’animisme japonais) afin de leur demander « la paix dans l’ensemble du monde », « la tranquillité sur le territoire japonais », et des « récoltes abondantes pour les cinq céréales ». La flûte est également utilisée pour « apaiser les âmes » des personnes décédées.
Contrairement à la flûte traversière et autres types de flûtes occidentales, les sons qu’elle produit ne reposent pas sur les « intervalles » prédéterminés de la gamme diatonique. Cet instrument est conçu, au contraire, sans tenir compte de la notion d’intervalle. Celui dont FUJITA Rokurôbyôe se sert exclusivement a plus de 400 ans : en effet, c’est une célèbre flûte nommée« Manzairaku », que le premier chef de sa famille commença d’utiliser il y a 430 ans.
Les pièces de théâtre nô comportent des parties dialoguées et des parties chantées, mais il n’y a, dans la musique qui les accompagne, ni « tonalité » ni « harmonie » au sens occidental du terme. Les sons qui en émanent se caractérisent par leur abstraction ; ils ont pour fonction d’« éveiller » l’oreille aux « sensations » enfouies dans le secret du cœur des hommes.
Il s’agit en somme de « sons du silence », absents de la musique occidentale. Et également de sons assimilés à des « bruits », notamment ceux que l’on peut entendre dans la nature. Tous sont utilisés de façon très efficace dans la musique de nô, à laquelle je souhaite consacrer ma conférence, en montrant quels liens celle-ci entretient avec le zen, l’architecture, le théâtre et les danses de la tradition japonaise.